Vulgarisation sur Youtube : où sont les femmes ?

Vulgarisation sur Youtube : où sont les femmes ?

Maintenant que vous avez la chanson de Patrick Jouvet dans la tête, nous pouvons pousser la porte de Youtube pour tenter de voir ce qu’il se passe dans le couloir de vulgarisation scientifique.

Cet article est légèrement différent de ceux que vous lisez d’habitude sur #3PS, mais le sujet vous intéressera certainement. Ceci est un compte-rendu d’une conversation sur twitter, poursuivie sur facebook entre journalistes, youtubeurs et public sur la question des genres (H/F) et l’utilisation de Youtube. N’ayant que très peu de données, dont la fiabilité semble être fortement discutée, cet article relate donc un ressenti général et les hypothèses avancées au cours de cette longue discussion.

Tout a commencé par un tweet,

amenant à trois constats :

  • Moins de femmes vulgariseraient la Science sur Youtube que d’hommes
  • Le public de chaînes de vulgarisation scientifique semblerait majoritairement masculin
  • Les chaînes de youtubeuses vulgarisant la Science « décolleraient » moins que celles des hommes
    Résumons les éléments de discussion pour chacun de ces constats et/ou ressentis.

Moins de youtubeuses que de youtubeurs

Il semble beaucoup plus facile de lister les hommes qui vulgarisent la Science que les femmes. Elles existent mais seraient beaucoup moins nombreuses. Cécile Michaut, journaliste scientifique et auteur d’un ouvrage intitulé « Vulgarisation scientifique » précise au cours de cette conversation que cette apparente tendance ne s’applique pas qu’à Youtube ; il existerait moins de vulgarisatrices que de vulgarisateurs scientifiques de manière générale (tous supports confondus).

La question est donc pourquoi ?

Des hypothèses ont alors été exprimées au cours de cette discussion : les femmes seraient vues (et se verraient par la même occasion comme moins légitimes pour parler de sciences, syndrome de l’imposteur, un manque de modèles de vulgarisatrices ? Et puis, une femme qui s’expose sur internet et plus particulièrement sous format vidéo, s’expose également au cyber-harcèlement et sexisme ; remarques sur leur physique, commentaires sexistes… De quoi décourager au point d’abandonner voire même de ne jamais s’y confronter.

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Un public majoritairement masculin ?

La conversation s’enrichie, les intervenants se multiplient et quelques chiffres tombent.

Bon, ce sont les données de Youtube, néanmoins celles-ci seraient à prendre avec des pincettes. Tout d’abord, il est important de considérer que vous pouvez regarder une chaîne régulièrement sans y être forcément abonné. Par ailleurs, le genre de l’internaute serait défini via les paramètres de Google, et il arrive parfois que les données soient fausses, engendrant donc un biais peut-être minime. Un autre facteur énoncé par la youtubeuse Manon Bril ne peut pas être exclu :

Bref, c’est compliqué. Si l’on observe ces données, bien qu’elles soient discutables, il semblerait que la répartition du public selon son genre (H/F) soit indépendante de celui du vulgarisateur et de sa popularité ! En effet, on remarque un schéma d’une proportion H/F à 90-10% pour les chaînes dites « poids lourds » (minimum 100K d’abonnés selon Florence Porcel et Viviane Lalande) mais aussi pour des chaînes ayant moins d’affluence.

Quelques exemples (parmi d’autres à retrouver sur les réseaux) :

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Bien que ce maigre nombre d’exemples ne puisse définir un modèle, il semblerait que le public soit majoritairement masculin. Les femmes regarderaient moins de vidéos de vulgarisation scientifique sur Youtube que les hommes. Mais quid des vidéos non scientifiques visant un public mixte ? Quid des données globales de Youtube ? Parce-que la question des contenus est essentielle (en Science et hors Science) et a été abordée quelques fois au beau milieu de tous ces tweets jeudi soir.

C’est alors que la conversation extrapole ces données, s’interrogeant alors autour d’un « problème » qui serait sociétal et culturel, et donc un reflet de la société : moins de femmes pour s’intéresser aux sciences, moins de femmes scientifiques, notamment dans les filières dites de « sciences dures ». Avant d’en arriver à de telles conclusions, peut-être pouvons-nous nous questionner sur l’impact du type de support utilisé. Les femmes apprécieraient-elles moins ce format que les hommes pour découvrir des notions scientifiques ? Existe-t-il une réelle différence des pratiques selon les sexes pour avoir accès au savoir ? Et selon les sujets abordés ? Les questions restent ouvertes.

L’audience plus faible des youtubeuses

L’échantillon est faible puisqu’il semble exister peu de youtubeuses de vulgarisation scientifique, mais une tendance est relevée au cours de cette discussion : les femmes qui vulgarisent la Science face à la caméra ont un public beaucoup plus restreint.

La question que se posent donc les youtubeuses est encore pourquoi  ?

D’après Florence Porcel, le public qui est donc majoritairement masculin, ne s’identifierait pas aux youtubeuses.

David Louapre, de la chaîne Science Etonnante, confie qu’il espère que les internautes ne font aucune différence entre un youtubeur et une youtubeuse.

Et puis Bruce Benamran, de la chaîne E-penser, est également intervenu et a expliqué que, selon lui, « le problème ne vient ni du genre ni de la culture, mais des vidéos » (version courte).

Bref. Beaucoup de questions sans forcément de réponse(s) dans ce couloir de la vulgarisation scientifique de Youtube. Au cours de cette discussion interminable, des opinions, des expériences et des hypothèses ont été énoncées pour tenter d’interpréter ce ressenti, mais il semble clair que les données manquent et que ce déséquilibre est beaucoup plus complexe à analyser qu’il ne le paraît (nombreux paramètres à prendre en compte).

Ce sujet qui a su animer une grande partie de cette communauté se devait d’être relaté au sein de cet article, qui n’a fait que résumer les points abordés dans cette conversation ; pour celles et ceux qui ne l’auraient pas suivie.

Marion Guillaumin

BONUS

A lire : Article de Guilhem Boyer publié jeudi soir.

Ajout le 31/03/2016 : Témoignage de Florence Porcel.

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