Une pilule qui donne des muscles

Une pilule qui donne des muscles

Ca y est, les chercheurs ont percé le secret de Popeye, et il n’est pas dans les épinards…
Il est de notoriété publique que le taux d’obésité et de maladies cardiovasculaires augmente dans les pays en développement. Des chercheurs, en observant ce constat, ce sont donc penchés sur l’idée de synthétiser une pilule qui aurait le même effet sur notre corps qu’un exercice physique.

Comment tout débuta…

Il y a 3 ans, dans les universités de Sydney et de Copenhague, un appel aux volontaires est lancé pour l’étude. Quatre hommes en bonne santé et non sportifs sont retenus.

Dans un premier temps, les chercheurs effectuent une biopsie (i.e. prélèvement d’un fragment de tissu ou d’organe sur un être vivant pour l’examiner au microscope) sur les muscles squelettiques (i.e. sous contrôle volontaire du système nerveux central) des candidats. Ils sont ensuite invités à réaliser un exercice physique intense pour une durée de 10 minutes après lesquelles une seconde biopsie est effectuée.

A l’aide de ces deux examens, les chercheurs ont pu mettre en évidence qu’un peu plus de 1000 réactions moléculaires se produisaient dans notre corps lors d’un exercice physique !

Certaines de ces réactions étaient déjà connues mais c’est la première fois que l’analyse des muscles squelettiques a permis de déterminer précisément les réactions biochimiques s’effectuant dans notre corps.
Et parmi toutes les réactions observées, l’une retient plus particulièrement l’attention des chercheurs : celle de l’AMPK.

Kesako ?

L’AMPK est une protéine kinase activée par l’AMP (plus connue sous le nom d’Adénosine MonoPhosphate, un monomère constituant l’ARN [1]).

Cette molécule est connue depuis les années 80-90 comme protéine ubiquitaire (i.e. présente dans différents milieux, entre autre les muscles) et identifiée comme étant la protéine responsable de l’inhibition de la synthèse du cholestérol et des acides gras.
Donc, en fonction des besoins métaboliques et des disponibilités énergétiques de l’organisme, l’AMPK permet un certain équilibre.

Et comment ça fonctionne ?

Pour qu’il y ait un changement au niveau du muscle squelettique, il faut que notre AMPK soit activée.
Vous connaissez tous l’ATP, cette molécule qui nous apporte de l’énergie et nous permet de rester en forme toute la journée ? Bien ! C’est logique, pour être en forme, le taux d’ATP dans notre corps doit être élevé. Or, un effort physique entraîne la diminution du taux d’ATP et augmente celui d’AMP (les deux étant reliés par le ratio ATP/AMP). C’est lors de cette diminution d’ATP que notre AMPK va être activée.

L’AMPK peut être schématisée par un rectangle divisé en plusieurs petits carrés. Un de ces petits carrés est celui de la régulation. L’AMP va venir former une liaison avec cette partie de l’AMPK, entraînant la phosphorylation (i.e. formation d’une liaison avec l’élément phosphore P) d’un second petit carré, celui de la catalyse. Cette phosphorylation va stimuler les voies cataboliques qui permettent la synthèse d’ATP ainsi qu’inhiber les voies anaboliques qui elles consomment l’ATP. De cette façon, notre corps n’est jamais à court d’ATP et peut en aucun cas nous lâcher lors d’un gros coup de stress ou d’un effort physique.
En bref, merci l’AMPK pour ton petit travail !

L’AMPK pourrait faire son entrée en médecine

Dans les muscles squelettiques, à qui nous faisons appel lors de nos séances de yoga, se trouve une enzyme : le malonyl-CoA. Elle régule ou bloque le transport d’acides gras du cytosol (i.e. liquide compris dans la cellule dans lequel baignent ses différents composants) vers la mitochondrie, organite où est produit l’ATP. Cela peut poser problèmes lors du blocage du transport.

En activant notre AMPK, la concentration en malonyl-CoA diminue dans le cytosol, permettant ainsi le transfert d’acides gras dans les mitochondries. Ils sont alors oxydés et deviennent plus sensibles à l’insuline. Et oui, cela a été prouvé chez les rongeurs !

Au-delà de son rôle dans la régulation métabolique, les chercheurs voient en l’AMPK une application dans le domaine médical, notamment pour les patients souffrant d’insulinorésistance.

Objectif : mettre l’AMPK en boîte !

En se basant sur les résultats obtenus avec les quatre volontaires et en réalisant une cartographie des récepteurs après trois ans de recherche, l’équipe va maintenant se pencher sur un médicament, une pilule capable de reproduire le même effet qu’un effort physique. Pour cela, sa composition devra répondre et réagir avec tous les substrats phosphorylés des muscles squelettiques. D’après le docteur Nolan Hoffman de l’Ecole de Biosciences Moléculaire à Sydney et membre de l’équipe de Recherche, la ‘’pilule miracle’’ ne sera sur le marché pas avant au moins une décennie.

Même si nous y voyons tous ici un moyen pour rester vautré dans notre canapé tout le week-end tout en gardant la forme et ressembler à ce cher Popeye, le premier objectif des chercheurs est un médicament. Cette pilule aura pour objectif principal d’être utilisée comme traitement chez les personnes atteintes d’obésité, de diabète ou sujettes aux problèmes cardio-vasculaires, qui auront besoin des effets bénéfiques qu’apportent le sport.

Mathilde Monachon

Notes :

[1] ARN est l’abréviation d’Acide RiboNucléique. C’est une chaîne de nucléotides présente dans tous les êtres vivants et certains virus. C’est lui qui permet la synthèse de protéine à partir du programme génétique porté par notre ADN.

Sources :

Niels, D ; Scientists are making progress on an exercise pill that mimics the effects of working out, Science Alert, 9 oct 2015.

Godhill, O; Scientists are working on an “exercise pill” so you never have to work out again, Quartz, Oct 4, 2015.

University of Sydney, Exercise in a bottle could become a reality, Oct 2, 2015.

Fan S, All the Brain-Boosting Goodness of Exercise…in a Pill?, Singularity University, Feb 21, 2016.

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