Les bactéries lactiques comme antifongiques

Les bactéries lactiques comme antifongiques

UTILISATION CONTRE LES INFECTIONS DANS LA PRODUCTION DES CEREALES

La contamination des denrées alimentaires par des champignons toxiques telles que les moisissures est un problème grave et difficile à régler car elle conduit à d’énormes pertes économiques. Les toxines que ces champignons produisent ont été reconnues comme l’un des polluants les plus dangereux dans l’alimentation (Dalié et al., 2010).

Actuellement, il existe un intérêt majeur pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité alimentaire via des méthodes de préservation et de protection plus naturelles comme l’utilisation de microorganismes tels que les bactéries lactiques. Des recherches récentes ont montré que ces microorganismes sont capables de produire des composés antifongiques. Des applications ont été faites sur des produits fréquemment infectés par les moisissures telles que les produits laitiers, les fruits et légumes et les céréales (Sathé et al., 2007 ; Rouse et al., 2008 ).

Les céréales représentent une des ressources alimentaires les plus importantes dans le monde (FAO, 2002) mais sont exposées à de nombreux champignons producteurs de mycotoxines, métabolites toxiques, qui contaminent les cultures et les produits céréaliers. Les besoins alimentaires justifient l’étude de solutions pour la gestion de ces contaminations fongiques telles que l’utilisation des bactéries lactiques (Dalié et al., 2010 ; Oliveira et al., 2014).

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Les champignons toxiques : un problème majeur pour les céréales

Les céréales vulnérables aux infections fongiques

Les céréales (e.g blé, maïs, orge, blé, riz) sont utilisées principalement dans la fabrication du pain mais aussi dans la production d’huiles, de farine, de boissons alcoolisées (Valdez et al., 2010). Elles sont également une source importante de protéines et de fibres alimentaires dans l’alimentation humaine et animale. Elles représentent donc une des ressources alimentaires les plus importantes pour la population mondiale qui ne fait qu’augmenter. L’accroissement des contaminations par des champignons produisant des métabolites toxiques appelés mycotoxines peut donc être indirectement lié à la mondialisation (Oliveira et al., 2014). De plus, les céréales peuvent être contaminées tout au long de la chaine de production c’est-à-dire au cours de la culture, de la récolte, du stockage et du transport. Les conditions climatiques en termes de température et humidité élevées favorisent la croissance des champignons toxinogènes (i.e produisant des toxines) et le développement des maladies (Doohan et al., 2003). Néanmoins, la contamination peut se produire également à de basses températures lorsque l’humidité élevée persiste pendant plus de trois jours (McMullen & Stack, 2011).

Champignons producteurs de mycotoxines

Les types de champignons responsables de contaminations fongiques sont des champignons filamenteux hétérotrophes (i.e utilisent des matières organiques exogènes) telles que les moisissures (e.g Fusarium, Aspergillus, Penicillium) qui produisent des toxines appelées mycotoxines. Ces dernières sont des métabolites secondaires qui peuvent provoquer des risques importants pour les consommateurs de produits contaminés (Fung & Clark, 2004). Elles sont thermostables et difficilement dégradables, c’est pourquoi elles peuvent subsister tout au long de la chaine de production (Champeil et al., 2004). Les principales mycotoxines retrouvées dans les céréales sont l’ochratoxine A, la fumonisine B1, les aflatoxines B1, B2, G1, G2, la zéaralénone, la déoxynivalénol. (FAO, 2002). Elles présentent des conséquences graves sur la santé des consommateurs tels que cancérigènes, neurotoxiques, immunosuppresseurs

Méthodes actuelles de décontamination

Les méthodes de décontamination des cultures infectées par des mycotoxines peuvent consister à l’utilisation de fongicides qui permettent l’inhibition de la croissance des moisissures. Des paramètres sont également contrôlés après la récolte lors du stockage comme par exemple le séchage, le contrôle de la température, l’humidité et l’oxygénation (FAO). Des méthodes physiques existent également comme le séchage, la congélation et des méthodes chimiques avec l’utilisation d’agents de conservation (Eskola et al., 2001). L’utilisation de produits phytosanitaires est de plus en plus contestée et ces différentes méthodes post-récoltes utilisées restent très coûteuses. Des travaux de recherche plus récents tentent de développer des méthodes de protection et de conservation des produits céréaliers plus naturelles, telles que l’utilisation des bactéries pour limiter la croissance des moisissures dans ces produits.

Intérêts des bactéries lactiques pour inhiber la croissance des champignons toxiques

Généralités sur les bactéries lactiques

Les bactéries lactiques sont définies comme des microorganismes Gram +, Immobiles et non sporulées. Elles sont également aéro-anaérobies, ce qui signifie qu’elles sont partiellement tolérantes à l’oxygène. Elles sont présentes dans de nombreux milieux naturels tels que le sol, les plantes en décomposition et les espèces animales. Leur particularité est de réaliser la fermentation c’est à dire transformation des glucides en acide lactique (Pasteur, 1957). Ces microorganismes ont un rôle très important dans l’industrie alimentaire puisqu’ils sont retrouvés dans les produits laitiers, la viande et les produits céréaliers (Carr et al., 2002). Leurs rôles sont multiples comme l’amélioration de la durée de vie des produits, la sécurité microbienne en synthétisant des molécules bactéricides, la texture et les caractéristiques sensorielles. De plus, elles sont dépourvues de toute toxicité pour le consommateur c’est pourquoi elles bénéficient d’un statut GRAS (Generally Recognized As Safe). Les bactéries lactiques sont donc des microorganismes d’une grande innocuité et semblent bénéfiques pour la santé des consommateurs (Pawlowska et al., 2012).

Production de composés antifongiques par les bactéries lactiques

Les composés antifongiques pourraient permettre l’inhibition de la croissance de moisissures, d’améliorer la durée de vie de nombreux produits fermentés et, par conséquent de réduire les risques pour la santé des consommateurs suite à l’exposition aux mycotoxines (Gourama & Bullerman, 1995).

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Figure : Les principaux composés antifongiques produits par les bactéries lactiques

Protection des plantes céréalières contre les infections fongiques

Les cultures céréalières sont touchées par de nombreuses maladies provoquées par des champignons comme par exemple le piétin-verse, l’oïdium, la septoriose et la fusariose. Certains de ces champignons peuvent émettre des toxines comme c’est le cas pour Fusarium qui est celui qui provoque la fusariose.

Cas de la contamination du maïs par Fusarium : la fusariose

Parmi les champignons qui contaminent les céréales et notamment les plantes d’intérêt économique majeur comme le maïs, les plus nuisibles sont ceux appartenant au genre Fusarium spp (les plus retrouvés sont Fusarium proliferatum et Fusarium verticillioides). En effet, ces moisissures ont des répercussions importantes car elles induisent des pertes considérables au niveau des récoltes et de la qualité des grains (Gilbert & Tekauz, 2000). Ces dommages sont liés à une maladie connue sous le nom de fusariose qui se caractérise par une fonte des semis, une nécrose des tissus végétaux et des épis. Les diminutions du rendement engendrent donc des pertes économiques très lourdes. Cette maladie a la particularité de produire des mycotoxines avec des effets toxiques sur la santé humaine, telles que les fumonisines. Ces toxines ont d’ailleurs été classées comme cancérigènes chez l’Homme par l’Agence Internationale de la Recherche sur le Cancer (IARC) en 2007.

Bio-protection des cultures de maïs par les bactéries lactiques

Un travail de thèse de Dalié en 2010 a permis d’étudier l’utilisation des bactéries lactiques indigènes de la culture de maïs afin de contrôler les moisissures productrices de fumonisines. Pour cela, l’étude a consisté à l’isolement de souches de bactéries lactiques capables d’inhiber la croissance de Fusarium proliferatum et Fusarium verticillioides à partir d’échantillons de maïs sains, sur divers organes de la plante et à différents stades de croissance. Ces travaux de recherche ont démontré la présence de bactéries lactiques sur différents parties de la plante ; ce résultat est en corrélation avec que le fait que les bactéries lactiques sont des microorganismes ubiquitaires. De plus, les bactéries lactiques identifiées présentent la capacité d’inhiber la croissance des moisissures Fusarium spp en synthétisant des métabolites secondaires qui produisent des fumonisines dont une appartenant au genre Pediococcus. Cette bactérie lactique semble s’adapter à des conditions de stress car elle est capable de croître à des températures et pH extrêmes ; ainsi elle pourrait être une excellente candidate comme agent de bioprotection contre les fumonisines.

D’après ces recherches, la protection des cultures contre les champignons producteurs de fumonisines semble être possible via l’utilisation des bactéries lactiques. Cependant, cela suggère des travaux considérables en laboratoire et sur le terrain en conditions réelles pour qu’ils deviennent une alternative aux produits phytosanitaires.

CONCLUSION
Les céréales sont fortement touchées par des contaminations dus à des champignons producteurs de mycotoxines. La production de ces toxines entraîne des conséquences importantes, notamment sur la baisse de la qualité et du rendement des cultures ainsi que sur la santé des consommateurs des produits contaminés. Les méthodes de décontamination des cultures sont très contestées et très coûteuses. Il est alors nécessaire d’enrichir les connaissances scientifiques concernant des méthodes plus naturelles et plus économes à l’échelle industrielle telles que l’utilisation des bactéries lactiques comme antifongiques. Ces travaux de recherche permettent de nombreuses mises en applications notamment pour la protection des cultures de maïs contre les champignons toxiques du genre Fusarium. La lutte biologique par l‘utilisation de microorganismes telles que les bactéries lactiques pourraient devenir une alternative très prometteuse à l’utilisation de produits fongicides.

Claudine Degueurce

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