Il y a une dizaine d’années, une drôle de mode est apparue : les entraînements cérébraux. Le but était simple, réduire les déficits dus à l’âge et prévenir l’apparition de maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer. Un but louable sur lequel nombre d’industriels ont surfé (jeux-vidéos, applications, sudoku,…). La mode, ça va, ça vient, mais des scientifiques s’intéressent toujours aux bienfaits potentiels ou réels de ces entraînements.
C’est notamment le cas d’une équipe du département de Psychologie de l’Université de George Mason (Virginie, USA) qui, cynique sur les effets réels de cette pratique, ont émis l’hypothèse que les effets positifs mesurés par ce genre d’exercice ne sont qu’un écran de fumée induit par l’effet placebo (donc, que si différence il y a, il s’agit seulement d’un phénomène d’auto-persuasion).
Amélioration des fonctions cognitives
Pour tester leur hypothèse, ils ont ainsi recruté deux groupes de 25 étudiants à l’aide de deux types d’affiches. La première annonce une session d’entraînement cérébral permettant une amélioration des fonctions cognitives, se targuant de suivre une méthodologie approuvée par de « nombreuses études ». La seconde, utilisant exactement les mêmes couleurs et typographie que la première (et qui ne se veut donc pas plus attirante que l’autre ni moins professionnelle), est une affiche de recrutement classique « Participez à une étude et vous recevrez jusqu’à 5 crédits universitaires ».
Suite à ce recrutement, les 50 étudiants ont suivi l’exact même protocole : quelques tests d’intelligence et de mesures du quotient intellectuel (QI), puis une heure d’entraînement cérébral, et enfin une seconde mesure des capacités intellectuelles.
S’en suit une comparaison des effets de ce court entraînement sur l’évolution des QI mesurés, en fonction des groupes. Sachant tout de même que cet entraînement d’une heure est bien trop court pour avoir un quelconque effet en réalité. La plupart des études scientifiques préconisent des entraînements d’une quinzaine d’heures ou plus, répartis sur plusieurs semaines, avant d’observer des effets significatifs.
QI augmenté
Et il s’avère que les étudiants recrutés pour améliorer leurs capacités cognitives ont effectivement augmenté leur QI moyen de 5 à 10 points. Tandis que le QI de ceux qui n’étaient là que pour gagner des crédits facilement, ergo le groupe de témoins, s’est avéré inchangé. Ainsi, cette augmentation de QI ne serait pas tant due à l’entraînement en lui-même, mais en l’espoir fondé sur une affiche suggestive.
Ces résultats, en plus de remettre totalement en question le secteur de l’entraînement cérébral, soulignent aussi un possible défaut dans le design expérimental de précédentes études de neuropsychologie. Finalement, recruter une population d’individus motivés doperait les effets mesurés et biaiserait nos conclusions! Est-ce que ce défaut de recrutement expliquerait qu’il soit si compliqué de répliquer des études en psychologie (seules 36% des études de psychologie seraient reproductibles) ?
Il est aussi cocasse de mettre ces résultats en parallèle avec le jugement de la société Luminosity qui a récemment dû débourser 2 millions de dollars pour publicité mensongère après avoir fait croire que ses entraînements prévenaient la perte de mémoire, la démence et même la maladie d’Alzheimer sans aucune preuve de ces dires.
Charles-Antoine Papillon